Chroniques poétiques

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Je poursuivais la silhouette de la cathédrale en pointillés, fragile point de mire qui perlait sous la rougoiement du soleil, se déplaçait à mesure de mon errance. Je tentais de l’atteindre : flèche de grés rouge baignée de lumière matinale.

Où que je sois, où que j’aille, cette flèche comme une fusée dans le ciel rose me narguait du haut de sa flamboyance dans le ciel éclos de son frêle printemps. Sur la courbe de mon cheminement, mes pas se rapprochaient sans jamais rencontrer l’édifice ciselé de pierre rouge. Comme une asymptote dans le ciel bleu, sa pointe ne recoupait jamais ma ronde et courbe trajectoire.

Au sol sur l’asphalte gris moiré de soleil, le coquelicot : tache pourpre de l’azur, fleur étique, maladroite poussait tordue, penchée dans l’interstice du bitume. Beauté dérobée à l’austérité de l’asphalte, cœur rouge dans le ciel gris. Pleine de compassion, je recueillais cette étoile sanguine qui perlait dans le ciel de silence. Mais sitôt cueillie et arrachée à la rudesse de son milieu urbain, elle se laissa choir, telle une ombre avec ses pétales rouges fanés au creux de ma paume grège, goutte de sang sur une main blessée. Puis, elle signa sa fenaison soudaine et son arrêt de mort.

Je regardais les yeux au ciel, suivant le fil de ma trajectoire nouvelle. Triste mais plus philosophe. La cathédrale était encore loin mais je ne souhaitais plus la rejoindre. La vue sur sa silhouette élancée, perlée dans le ciel bleu, me suffisait désormais. La perspective filée que j’en avais, contentait mes sens et ma curiosité.

À trop vouloir cueillir et s’approprier une rose, on la perdait. Je préférais alors laisser intact le joyau de pierre dans le ciel serein et garder avec cet objet de contemplation gothique une distance nécessaire et bienfaitrice comme la terre face à l’asymptotique aurore.

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