Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Au vieux port

Assise à la terrasse d’un café en face de Notre dame de la Garde qui offrait son lustre de pierre à l’azur éraflé de lumière, je dégustais un jus de citron solaire qui avait déjà le goût de l’été marin. Un palmier étendait ses feuilles en forme d’éventail sous la brise du port et sa lumineuse caresse.

Je scrutais les interstices de ciel bleu entre deux ramées de feuilles vertes et le froissement des abeilles écloses venait chuchoter leur antienne au creux de mes oreilles bourdonnantes dans la chaleur montante de l’été. Les oiseaux gorgés du suc des lilas et de l’odeur de sorbier rasaient l’eau argentée perlée du reflet des sourires des passants et des silhouettes efflanquées des chats errants.

L’on entendait haranguer les marchands de poissons ruisselants exposant, aux yeux des passants, leur denrées, leurs trésors vif-argent pleins d’eau de mer sous l’église blanche des capucins écrasée de soleil.

Les bateaux en partance bleus ou rouges pressaient les uns contre les autres leur voilure tamisée de la lumière d’orient. Je fermais les yeux, essayant de me remémorer quelque toile de Monet que me rappelait ce spectacle méridien. Peut-être les « bateaux rouges » ou « les bateaux de plaisance », je ne sais plus. Les images se confondaient en une seule dans un soleil nébuleux plein de charme et d’incertitude.

Je m’endormis sur mon siège, l’esprit peuplé de rêveries et de souvenirs dans la solitaire errance des bateaux de bois. Lorsque je me réveillai, le Vieux Port devenait rose dans le soir égrené d’étoiles. Je restais là à contempler les derniers buveurs aux terrasses qui se vidaient, les derniers passants qui battaient le pavé, les dernières lueurs violettes sur l’eau miroir.

La lune descendait dans la nuit frêle, se posait comme une orange sur la coque des bateaux devenus sombres. L’aboiement rauque du chien imitait le hurlement nocturne et présageait le hululement de la chouette et du hibou dans le vent bleu du soir.

Pleine de nostalgie et de déréliction, je pris congé de ce spectacle solitaire et poétique qui me serrait la gorge. Je ne me retournais pas, emportant avec moi l’image unique du Vieux port Marseillais dans la nuit perlée d’étoiles.

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