Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez
Les feuilles tombaient rouges et drues dans leur linceul d’automne que le soir, en recouvrant le ciel, éclaboussait de fins liserés. Froissées par le frêle fruit du soleil, elles formaient comme un champ de blé au pied des tilleuls : tapis de pièces d’or que les corbeaux perçaient de perles noires dans l’évanescence du couchant.
Les arbres, torches blondes, jetaient leurs flammes sur le sol pierreux, sur le lac spéculaire qui recueillait le reflet de leur frondaison dans l’eau bleue, là où les cygnes, halos de nacre, glissaient fragiles et cotonneux.
Sur le ciel orangé parsemé d’oiseaux, les arbres d’orient gravaient des arabesques. Et le pavillon Joséphine reflétait sa façade sur le miroir de cet azur. L’odeur de l’humus montait des fleurs frêles, de la violence pourpre des asters et des rares roses d’automne. Fleurs, pierres, je cueillais tous ces vestiges d’été, ces perles de solitude égrenées le long de mon sentier.
J’entendais, déchirant l’atmosphère, le cri des bambins dans les attractions enfantines : dans le château hanté, cuirasse de la nuit bleue sous le ciel solitaire. Et plus loin sur le sable lunaire, je devinais leurs pas feutrés dans le navire fantôme qui jetait l’ancre dans les soirs obombrés.
J’entendais également d’autres bruits d’automne : le cri des cigognes blanches et le croassement des corbeaux. Mais aussi l’aboiement rauque des lynx dans leur cage dont le regard fixait la Grande ourse ou l’étoile du berger. Et je recueillais ces astres, comme des feuilles d’or dans le soir incendiaire.
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Page mise à jour le 2 décembre 2023
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