Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Bruits d’automne

Aujourd’hui, place Arnold à Strasbourg, les feuilles se dorent d’une lueur cuivrée presqu’orangée par endroits. Sur le tapis de feuilles mortes à mes pieds, des ombres combattent la lumière en louvoyant à travers les pavés. Juchée sur son cheval de bronze, la statue de Jeanne d’Arc me toise de sa hauteur et de son air enfiévré, de son regard illuminé, de sa folie peut-être ?

Derrière le banc sur lequel, je suis installée, j’entends le vrombissement des voitures. Devant moi, juste derrière la statue de Jeanne, les orgues de l’église Saint-Maurice sonnent et, chaque demi-heure, carillonne la cloche tonitruante de l’édifice. Au centre de la place, claironne le cri de joie des enfants qui jouent à la balle, à saute-mouton, au chat-perché. les feuilles tombent sur leurs boucles blondes ou brunes, sur la chevelure argentée des vieilles dames en goguette, sur ma face inondée de lumière, enfin sur Jeanne d’Arc elle-même qui semble — l’espace d’un instant — ressusciter. D’ailleurs, entend-elle des voix à présent, des voix venues d’ailleurs ? Il y a tant à écouter en ce jour d’automne : les orgues, la cloche, les voitures, les cris d’allégresse des bambins mais aussi le crissement des bogues de marrons sur l’asphalte, le froissement des feuilles blondes qui s’abandonnent sur ce tapis d’automne, leur frêle chuchotement lorsqu’un passant les foule sur le sol, leur crépitement lorsque le vent vient à les blesser, lorsque le pépiement insolent des oiseaux vient trouer par la haute tessiture du chant, leur robe rousse et or.

Mais rien ne vaut encore le bruit du silence, de ce silence d’automne, lorsque, vers le soir, après le croassement des corbeaux en pagaille, la nuit a repris ses droits et que le silence grave, recueilli résonne après cette polyphonie d’octobre.

Rien ne vaut le silence de l’automne.

Traversée de nuit

photo © Alix Lerman Enriquez

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