Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Conte de Noël

Noël est si triste pour ceux qui ne le fêtent pas. Je suis de celles-là. Ainsi, lorsque j’étais enfant et que je passais mes vacances scolaires à Paris à la fin du mois de décembre et au début du mois de janvier de l’année suivante, je me souviens de promenades que nous faisions le jour de Noël avec mon grand-père dans un Paris désertique qui ne ressemblait pas à lui-même.

Rarement sous la neige, mais souvent dans le froid ambiant, nous déambulions dans les rues vides de monde. Toutes les maisons étaient illuminées, décorées de sapins colorés, de guirlandes qui scintillaient à la vue des rares passants. Et nous, pauvres hères déboussolés, sobres et dénudés d’artifices et de brillance, nous avancions dans ce désert blanc tout juste ponctué par le vrombissement de quelques voitures égarées, par la plainte de quelques mendiants qui, eux non plus, ne fêtaient pas Noël. Et plus que nous, ils souffraient de solitude et de froid dans une ville de lumière qui arborait avec arrogance ses plus beaux atours. Ce sentiment d’exclusion nous rapprochait et c’est à Noël que je comprenais davantage ces vagabonds qui, plus particulièrement ce jour du vingt-cinq décembre, semblaient empreints de recueillement et de souffrance comme des gisants de pierre sur l’asphalte.

Puis, après avoir fait l’aumône à l’égard de nos compagnons d’infortune, et, sûrement pour oublier la tristesse de ce jour, mon grand-père et moi-même continuions d’errer dans la ville. Lorsque nous tendions l’oreille, nous pouvions entendre le crissement mat du givre sur le sol, le frissonnement des feuilles d’arbres dans le jour gris et la bise hivernale. Parfois, nous pouvions entendre le silence qui se faisait jour à travers les interstices des nuages. Et une tristesse infinie nous enveloppait alors comme une chape de plomb enneigée que nous ne parvenions pas à extraire de notre corps, comme un manteau trop lourd à porter.

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