Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

L’appel de la forêt

L’appel de la forêt

J’avais traversé déjà quelques sentiers forestiers au cœur même des Vosges, sentiers qui sentaient bon l’aubier et la résine de sapin. Au-dessus de moi, le ciel bleu coulait comme un élixir de jouvence, comme la promesse de belles journées à venir. Le soleil bruissait comme le vent dans les chardons violets, odorants, dans les champignons auprès des arbres, ces majestueux qui semblaient se courber à mon passage. En fait, je m’en rendis compte plus tard lors de la promenade, c’était plutôt sous la menace des aigles et des corbeaux bleutés que leurs frondaisons se recroquevillaient Mais qu’importe ! Cette impression d’être en osmose avec la nature, cette sensation que les arbres m’écoutaient et me répondaient, rarement, je l’avais éprouvée avant cette escapade. Et dans ces moments privilégiés, j’aurais voulu être un écureuil, une belette ou bien un oiseau m’envolant vers la cime des arbres prenant le matin tôt, la teinte de l’aube ou de l’aurore, ou revêtant le soir venu un manteau bleu de nuit.

Ce n’est qu’une fois que le sol jonché d’aiguilles de pin et de sapin s’auréola d’une couche de cuivre, que je pris conscience que nous étions déjà le soir et qu’il me fallait retourner à l’auberge. Mais je ne savais plus par quel chemin, j’étais passée. Tout se brouillait dans ma tête. Je cherchai négligemment mon téléphone portable afin de retrouver mon itinéraire grâce au logiciel de géolocalisation installé au début de ma promenade. Mais les bras m’en tombèrent lorsque je découvris un duvet roux épais sur mes avant- bras. Mes mains tout à l’heure beiges, couleur de chair humaine, se recroquevillaient dorénavant comme de petites serres menues et brunes sur des noisettes piochées le long de mon chemin. La métamorphose était déjà à l’œuvre. Je sus alors que jamais plus je ne retournerais à l’auberge dans le monde de la civilisation.

J’étais devenu écureuil. Écureuil, j’étais et le resterais sans doute jusqu’à la fin de mes jours. D’ailleurs dans le monde d’en bas, dans la société bruyante des humains, se souvient-on encore de moi ?

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