Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Le lion de Belfort

À chaque fois que je lève les yeux en direction de cette imposante statue de cuivre noir comme de l’ébène, martelée de soleil, je ne peux m’empêcher de songer qu’elle est pour moi un repère, une plaque tournante de mon enfance.

Lorsque petite, je vivais à Paris et qu’avec mon grand-père, nous arpentions les allées bruyantes, bruissantes qui avoisinaient la longue avenue Denfert-Rochereau, je ne pouvais qu’être saisie par la majesté du fauve de fer, à l’époque, encore tout oxydé de vert. Et j’attendais qu’un jour proche, je puisse me lover dans ses bras d’acier pour surplomber Paris, pour surplomber le monde.

Tel la pythie qui rendait les oracles à Delphes, cet immense lion de cuivre semblait me prédire l’avenir. Ainsi, lorsque la pluie tombait du ciel, quelques larmes paraissaient sillonner ses joues creusées et j’y croyais voir mon propre désespoir. D’autres fois au contraire, la brûlure du soleil trouait d’ocelles de lumière les rainures de son corps félin, le chamarrant comme une fourrure de tigre.

Lion de Belfort, lion vert aux yeux si tendres, roi de la place Denfert-Rochereau  mais pas seulement. Roi de cette forêt d’immeubles, de voitures et de passants, de piétons pressés qui buvaient la lumière rose du soir. Roi de Paris qui semblait prédire le monde. Roi incontesté que j’appelais de toutes mes forces et qui semblait rugir dans mes rêves les plus fous, dans mes tentatives désespérées de revivre le passé, de convoquer mes souvenirs frelatés.

Compagnon d’infortune ou de jours heureux, ce lion était l’emblème de ma prime jeunesse, le symbole de ma résilience. En ces jours de tristesse, ce lion de Belfort m’était l’ami le plus cher, le roi glorieux de mon enfance.

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