Chroniques poétiques

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Lorsque je viens à Marseille, j’aime à déambuler dans le vieux quartier du Panier. Petite enclave pittoresque en hauteur du vieux port, coin charmant parsemé de petites maisons de pêcheurs aux toits de tuiles et aux volets couleur de la mer bleus ou vert vif.

J’aime à monter et descendre ses rues pentues, ponctuées du cri des mouettes et du martèlement des pas des passants.

J’aime à m’y aventurer pour y découvrir de petites échoppes d’huile d’olives ambrées, de savons colorés aux senteurs de roses et d’orangers. J’aime y repérer de petites galeries d’artistes, de nouveaux trompe-l’œil figurant des parties de pêche, pétaradant sous le soleil du midi.

J’aime y déguster des sirops d’orgeat ou de framboises sur la place des Pistoles qui surplombe Marseille. En face de moi, alors que je sirote mon élixir de jouvence, surmonté d’une rondelle de citron qui me fait songer à une portion de soleil sur mon verre, je contemple l’édifice imposant de notre Dame de la Charité. Autrefois, l’église y abritait des fous ou bien des indigents, des marginaux qu’on entassait dans cette belle bâtisse alors insalubre.

Et aujourd’hui, alors que je bois insouciante mon breuvage rougeoyant, pourpre comme un soleil couchant, je crois être l’une des leurs : marginale, poète errante, infatigable, folle, flânante, femme hagarde, presque égarée qu’on aurait jadis enfermée comme ces pauvres hères de Notre Dame de la Charité.

Titubante, presque ivre sous la brûlure du soleil, abreuvée de mon sirop rouge sang, je vacille et je marche d’un pas hésitant vers le cloître magnifique et dénudé de cette belle Dame de pierre. Je m’y recueille alors solitaire et je crois y boire tout le silence et la solennité du lieu. Je crois même y percevoir le chuchotement de l’infini.

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