Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Place Arnold

Les prunus encore en fleurs, plumeaux roses aux incandescences cuivrées, projetaient une ombre presque aussi grande que celle de l’église Saint-Maurice qui me faisait face. Elle était terne et grise comme un navire d’asphalte et m’effrayait de son silence de pierre. Mais heureusement me berçaient sa grande horloge d’acier miroitante, le bruissement des insectes, le chant des oiseaux qui chuchotaient en même temps que la frêle, la faible rumeur du couchant.

Un peu plus loin, les frondaisons foisonnantes des tilleuls s’enflammaient au contact de la brise montante et je percevais le parfum acidulé de leurs fleurs, parfum acidulé du soir comme le goût d’une pomme d’or que je croquerais à l’unisson avec les corbeaux freux du soir.

Ceux-là seuls qui me tiendraient compagnie en croassant dans le noir, lorsque tous les passants seraient partis, lorsque tous les enfants auraient achevé de jouer au ballon ou au tourniquet et que, solitaire errante, je frapperais le bitume de mon bâton de pèlerin. Je les entendrais alors froisser leurs ailes de suie tandis que je creuserais l’asphalte pour y dénicher un trésor : coquillages illusoires, feuilles d’arbres ou cailloux tombés du ciel par exemple. Ou bien encore quelques restes d’oiseaux blessés comme des plumes de soie douces au toucher que je tiendrais au creux de mes mains bientôt trempées d’une encre violette comme la nuit.

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