Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Pomègues et Ratonneau

Ce jour-là, j’avais décidé de prendre, à partir du Vieux port de Marseille, le bateau pour rejoindre les îles du Frioul dont on m’avait tant vanté les mérites : Ratonneau et Pomègues dont les noms exotiques d’un autre âge me faisaient déjà rêver.

Parvenue sur l’archipel du Frioul, je n’ai pas été déçue, en effet, et j’ai tout de suite été happée par l’atmosphère joyeuse de l’île de Ratonneau. Semée de petits commerces et restaurants, de son port de plaisance comme le vieux port marseillais en miniature, Ratonneau étalait ses trésors multiples comme ces petites embarcations colorées bercées par le faible roulis de la mer, par la harangue de ses propriétaires. Et ces petits voiliers semblaient déjà amarrés, en partance vers quelque lointaine destination.

Je serais bien restée là à prendre quelque petit café devant ce port de plaisance. Ou bien un sirop de grenadine dont la couleur rosée aurait, avec celle ambrée du soleil, provoqué des jeux de lumière futiles sur la table de la terrasse. J’aurais bu ainsi à la santé de tous ces pêcheurs disparus trop tôt en mer. J’aurais également pu prendre ma canne à pêche et tenter d’attraper des dorades ou bien des rougets que j’aurais fait griller à la belle étoile sur un bivouac de fortune directement installé sur la berge.

Mais mon esprit était déjà ailleurs, vers l’autre île : Pomègues beaucoup plus sauvage et désolée. Une digue y menait comme un magnifique prélude à ce sanctuaire d’oiseaux. Juchée sur ce petit muret de pierre, j’entendais déjà le cri des goélands déchirer l’atmosphère.

En contrebas, nous apercevions le lait bleu de la mer où les oiseaux se reflétaient comme des Narcisse promis à leur admiration perpétuelle. Mer-miroir labourée de sillons de lumière qui se heurtaient aux roches calcaires dont la blancheur immaculée m’enivrait. Chardons, gentianes, fenouil ponctuaient notre sentier de rocaille. Parfois, au loin, la vision d’un voilier nous ramenait à la civilisation et nous rappelait que nous n’étions pas seuls dans ce havre de paix et de liberté.

Pomègues ainsi livrée aux goélands et au soleil, à cette mer dont je ne cessais de scruter la ligne d’horizon : fragile point d’or qui se mouvait au gré de l’inclinaison solaire. Pomègues, île crayeuse dont la blancheur parsemée de fleurs sauvages, m’enhardissait. Pomègues, dont le cri plaintif des oiseaux berçait la douce litanie de mes pleurs, tout émue que j’étais par cette beauté simple et fragile.

Beauté de la mer et du soleil. Beauté du soleil qui crayonne sur la surface moirée de l’eau quelques rayons obliques de lumière, y construisant, en filigrane, y esquissant un véritable château d’or. Pomègues, comme un hymne à la mer qui, seule, encore et toujours, sait me donner l’intuition de l’infini.

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