Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez
Mes yeux s’écarquillent et je vois un désert d’arbres nus, ruisselant d’or par endroits, couverts de brume par d’autres côtés. On dirait des statues de bois édifiées à la gloire d’un monde féérique et aujourd’hui disparu. Je marche le long du sentier de feuilles mortes. Des troncs fraîchement coupés offrent au regard du vagabond ou du passant d’un soir, la vision de l’aubier d’un arbre fauché en pleine jeunesse. Ces fûts tranchés sentent la sciure du bois et ce parfum m’enivre si délicatement que j’en perds la conscience et que des rêves affluent à mon esprit.
Je continue de déambuler parmi les broussailles rousses de l’automne, parmi les hêtres jaunis puis les frênes et les bouleaux décimés de novembre. Quant aux aulnes et aux ormes, ils laissent tomber leurs pièces blondes sur le sol déjà enluminé. Je ramasse ces petits sequins qui tiennent dans ma main comme de petits soleils au crépuscule. J’en fourre deux ou trois dans ma poche et je continue ma fantastique chevauchée dans cette forêt de Brocéliande.
J’ai à la main quelques petits asters fraîchement cueillis : mauves, roses, ambre, orangés. J’en ai fait un bouquet de couleurs que je tiens serré sur mon cœur comme un talisman d’automne. Au loin, je crois voir Merlin l’enchanteur avec sa barbe de magicien déchu. Je m’approche mais ce n’est qu’un bûcheron à la barbe rousse et imposante. Il coupe du bois avec sa hache levée comme un étendard dans le ciel blond. Je lui fais signe de la main. Il me répond par un mouvement de tête, tout occupé qu’il est à découper des bûches rondes.
Un peu plus loin, un cerf gambade et brame. Lui répond l’écho de la forêt comme un cri de cor de chasse, comme un croassement de corbeau dans la nuit bleue. Je m’approche, je voudrais lui parler, le rassurer mais, farouche et effaré, il s’enfuit. Dommage !
Je continue alors mon chemin sur le sentier comme jonché d’écus et piqueté d’oiseaux noirs. Ma vue se brouille. Je vois un éventail mordoré devant moi : c’est le soleil bas de novembre qui masque de lumière l’étendue rousse et végétale devant mes yeux. La descente du soleil est inexorable. Bientôt, il fera nuit et les étoiles se dévoileront dans la lueur bleue du ciel. Il faut au plus tôt que je retrouve le chemin de la sortie.
C’est alors que la plaque d’immatriculation d’une voiture, de couleur rouge vif, agresse mon regard. Je reviens à la civilisation et tout près de là, j’aperçois la fameuse pancarte de l’entrée de la forêt de Paimpont. Je me dirige prestement vers ce point de ralliement avec l’impression étrange d’avoir voyagé dans le temps. Mais le klaxon tonitruant d’une voiture, adressé à mon encontre, me ramène brutalement et douloureusement à la réalité.
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Page mise à jour le 2 décembre 2023
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