Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez
J’avais l’impression de marcher sur une banquise percée de moires et de lumières. Les arbres empesés de mousse blanche étendaient leurs bras nus saupoudrés de cette neige éclatante qui ressemblait à du sucre glace.
Au loin, le pépiement des oiseaux bruissait doucement à mes oreilles comme un chant orphique que je ne cessais de fredonner en réponse à leur cri, comme une mélodie de l’enfance oubliée puis ressuscitée ce jour d’hiver. Le soleil oblique transperçait l’eau de la rivière et les branches noueuses des arbres qui formaient dans l’aube rayonnante et autour des oiseaux enluminés d’or, des ombres perpétuelles, d’incessants entrelacements qui chamarraient ce matin d’hiver.
Vers le soir, lorsque le crépuscule enrobait les arbres, le ciel et la neige d’un manteau pourpre piqueté de lys et que l’éclat du soleil couchant ravivait, j’avais l’impression étrange de voir reproduit sur chaque branche et son oiseau fétiche posé à son extrémité, le tableau sublime que nous offrait La nativité de Georges de La Tour. L’oiseau fragile représentait l’enfant emmailloté perlé d’une douce lumière tamisée. Les couleurs rouge et or qui peignaient alors le parc, le plongeaient dans une délicate pénombre semée des frêles fleurs pourpres du couchant.
Pour l’heure, alors que le soleil était encore très haut dans l’azur matinal, j’entendais le crissement mat de mes pas sur la neige, j’entendais ployer leur empreintes sur le sol poudreux, je regardais leur fêlure dans l’entrebâillement de l’ombre et de la lumière et je sentais poindre en moi ce je ne sais quoi de sérénité et de félicité qui me faisais croire en la beauté et la simplicité de la vie.
Mes bruits de pas sur la neige étaient alors comme les vestiges d’un temps immémorial où seul le bruissement des oiseaux et le froissement des feuilles attestaient d’une présence. Et dans cet univers qui faisait éclore le parfum d’hiver de mon enfance, je me sentais renaître telle une fleur tout juste éclose à l’aube et qui, gorgée de tant de lumière, étalait sa déhiscence dans la folle fulgurance du jour.
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Page mise à jour le 2 décembre 2023
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