Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Entre chien et loup

J’aime le ciel bleu et le soleil bas des beaux jours de novembre, comme aujourd’hui, si rares et donc si précieux. La nuit et ses doigts de rose ne sont pas si loin. On les sent poindre, souffler sur la lumière du jour pour qu’elle s’efface petit à petit, qu’elle se recroqueville comme une orange sanguine au dessus de la cime des arbres.

J’aime ces fins d’après-midi où l’on sent battre la pulsation du soleil déchiqueté, l’éclosion des crépuscules tous uniques, chacun à nul autre pareil. J’aime cette douce nostalgie qui nous prend lorsque le jour décline. L’astre solaire, alors, n’est plus qu’un point rose à l’horizon qui surplombe les fenêtres illuminées des maisons.

J’aime cette fin du jour, orchestrée par la fin de l’automne, qui survient si tôt dans l’après-midi. Il est à peine seize heures trente et déjà la lumière du ciel se fendille ; déjà elle blêmit et s’empourpre au four crépusculaire. On dirait une rose déliquescente que l’abeille butinerait en solitaire. Puis l’astre fatigué, rouge sang, se pose sur mon épaule comme un oiseau égaré et frêle.

Dans sa fragile errance, le soleil s’écartèle sur la frondaison des arbres. Il s’égratigne sur les branches et les brindilles de mûres qui jalonnent mon sentier automnal. Sur ma main droite, celle avec laquelle je trace ces lignes maladroites, une blessure sur ma paume, semée de sillons et de lignes, trahit la caresse du couchant et des arbres.

La lanterne solaire, mutilée elle aussi, s’incline. Une dernière fois, elle jette ses lumières pourpres, esquissant une silhouette hâve sur le sol tapi de feuilles jaunes, puis meurt progressivement, ne laissant sur l’eau bleue qu’un filet de lumière, qu’une flaque étique où l’oiseau écarquille ses yeux douloureux et sur lequel mon reflet se mire, décalqué sur la surface spéculaire d’un ciel profond et bas.

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