Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

En forêt

Rose vernale à l’approche du soir que je cueille précautionneusement et que j’accroche négligemment sur le tissu rêche de mon écharpe pourpre. J’entends le merle noir aux accents de soleil lorsque son bec d’or pourfend l’air tremblé du soir et que sa tête se découpe sur la surface bleue et plissée du ruisseau. J’entends les passereaux et les fauvettes qui tourbillonnent comme des lassos d’argent dans le ciel que je tente de saisir à pleines mains.

Je remonte, fourbue, le sentier jonché de copeaux et de brindilles de bois qui s’enfonce sous mes pas couleur de miel dans la lueur grège et vespérale d’une fin d’hiver qui appelle le printemps. Le parfum des sciures de bois monte doucement de la terre humide, pétrie de mes empreintes et de celles d’oiseaux perdus, de trous laissés béants par les pierres que la nuit polira de ses doigts gourds, veloutés. Une odeur de musc m’accompagne également dans cette errance improvisée.

Je suis sortie cueillir quelques fleurs qui percent le sol de mars et chaque pousse nouvelle m’émeut. Ces crocus tout juste sortis de terre sont comme la promesse de jours meilleurs et verdissants. Je plonge la main dans ces fougères virides dont le panache me laissent pantoise. Que d’élégance dans la silhouette ample et évasée de ces hampes et de ces touffes végétales ! Ces dentelles vertes laissent passer dans leurs interstices quelques gouttes de soleil comme des fenêtres et des jalousies ouvragées dans un pur régal de lumière.

Je continue mon périple une pierre bleue dans chacune de mes poches qui trouent le tissu fragile où elles sont encloses. Je les sens toutes les deux comme deux talismans qui me portent bonheur. Elles m’aident à poursuivre ce sentier semé de feuilles et de brindilles de bois avant que je ne fasse halte, épuisée par tant de marche et de fébriles découvertes dans ce bois où le moindre bruissement de feuilles est comme le chuchotement du rêve et de l’infini.

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