Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

La vallée des ours

Autrefois peuplée d’ours, comme l’indique son nom, je longeais la vallée de Bærenthal dont l’étendue sablonneuse me paraissait infinie. À ma droite, coulait un petit ruisseau argenté qui prenait sa source plus haut dans les massifs vosgiens, là où trônaient, encore majestueuses, les ruines du château du Ramstein : ruines de grès rouge éventrées de soleil. En contrebas, là où m’avaient mené mes pas, serpentait un petit sentier semé de broussailles, de ronces et de saxifrages.

Parfois quelques fleurs mauves : des asters ou des anémones voletaient, perçaient l’humus cendré sous nos pieds dont l’empreinte s’écaillait de petites ridules de soleil. Je longeais ce petit chemin rocailleux, herbu et que bordait un long ruban d’eau sinueux qui s’écoulait jusqu’à une grande étendue bleue : l’étang de la vallée parsemé d’ocelles et de sequins d’or à cette heure du jour matinale.

Des centaines de libellules, broches d’or sur le ciel azuré, dardaient comme des restes de rondelles de soleil oubliées le long des routes, sur mon sentier parsemé de silence et de solitude. Quelques corbeaux croassaient aux abords de l’eau. Quelques grenouilles aussi.

Je songeais que j’aurais pu être un de ces petits animaux, me fondre dans ce paysage cendré, que j’aurais pu chanter comme ils chantent. Comme eux, j’aurais pu m’égailler dans l’herbe, faire des ricochets de lumière dans l’eau fraîche. Comme eux j’aurais pu me brûler au soleil de juillet et attendre tout le jour que la nuit m’apporte son lot de noctules bleues qui viendraient se percher au-dessus de moi.

Et j’aurais pu rêver, rêver que ces vampires ailés aillent peupler la forêt verte et sombre. Rêver aussi que les ours d’autrefois reviennent hanter le silence d’argent des soirs d’été.

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