Chroniques poétiques

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Lorsque, durant mes années estudiantines, j’habitais à Paris, tous les dimanches matins, mon petit plaisir consistait à déambuler parmi les étals colorés et parfumés du marché Corvisart en plein treizième arrondissement.

Le marché se dilatait comme un immense nénuphar au soleil, le long du boulevard Auguste Blanqui, bordé aussi dans son allée centrale de petits squares aux parterres de campanules et de clochettes, d’iris qui se courbaient pour laisser passer la frondaison du soleil et la horde d’abeilles butineuses.

Au milieu de ces pittoresques petits jardins, les enfants jubilaient, juchés sur des bicyclettes, harnachés de sucre d’orge bicolores et quelques fillettes portaient leur couffin, des colliers de bonbons à leur cou.

Plus près de moi, le marché offrait ce mélange chatoyant de fruits, de légumes et de fleurs qui exaltait mes sens. L’odeur du romarin et de menthe verte, le parfum du pain chaud qui sortait tout juste du four au feu de bois m’enivraient de douceur presque estivale.

Les marchands de fruits haranguaient la foule au rythme d’airs d’orgues de barbarie fredonnant des vielles chansons de Mouloudji. Les pigeons formaient comme un arc d’argent au dessus de ma tête et juchés sur le sommet des lampadaires, ils batifolaient, les plumes plissées de soleil.

Au loin sur la place d’Italie, le café de France et ses orangeades servies aux passants, scintillaient à la lumière de juin. La mairie du treizième arrondissement brillait alors comme un palais pourpre à l’aurore dont les fissures éventrées de soleil et de feuilles vertes, comme de fragiles lézards faisaient miroiter sa façade pétrie de pierres et de lumière.

Presque vingt ans plus tard, lorsqu’au cours de ma promenade dominicale, un peu avant midi, il m’arrive de chercher le pain dans les rues désertes de Strasbourg en plein quartier des musiciens, j’entends surtout le silence lourd des boulevards. Qu’il me manque alors ce petit marché Corvisart du dimanche matin !

Lire les autres chroniques

 Le long des péniches — Le Mont Saint-Michel 

Retour au sommaire

Contacter Alix Lerman Enriquez :