Chroniques poétiques

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Alix Lerman Enriquez

Les chroniques poétiques d’Alix Lerman Enriquez

Nuit d’encre

Au soir de ma vie qui pleut et pleure, je bois l’ombre d’un ciel de suie, je bois la lie presque rouge du soleil qui se meurt et qui sombre dans la nuit. Je marche à tâtons dans cette nuit d’encre marine. À chacun de mes pas, l’encre bleue se déverse, laissant sur l’asphalte, les empreintes : tatouages sombres, écartelés comme l’écriture curviligne de ma destinée.

Je continue mon périple. À la main, un bâton de pèlerin que je tiens serré sur mon cœur. Je veux rebrousser chemin et attendre que la nuit, que j’espère éphémère, passe, s’évanouisse pour laisser éclore le jour. Je veux voir à nouveau l’aube se lever, l’aurore pétarader comme un feu d’artifice, une fleur pétulante et coloriée.

Mais dans cette nuit de poix, je crois déjà voir s’esquisser un cercueil de velours serti d’étoiles. Les sombres oiseaux, corbeaux ou bien noctules, me l’ont savamment préparé : radeau de bois qui navigue à vue, à l’aveugle dans une mer noire de nuages, viatique de l’âme dans la nuit vers le royaume des cieux, lunaire, impénétrable.

J’ai peur de cette nuit mauve qui m’enveloppe de sa chape de froid. J’ai peur d’y rester pour toujours, de ne jamais plus me réveiller et de ne plus jamais connaître l’éblouissement des premières lueurs du jour. Un froid glacial saisit ma nuque et mon dos roide. Un frisson me parcourt de la tête aux pieds et je me sens défaillir.

La grande nuit vient m’embrasser. Elle porte une grande faux en forme de lune et son corps est celui d’un spectre, fantôme translucide, presque vif-argent, qui m’enveloppe de son drap mortuaire. Je m’assois sur un banc, obombré par le feuillage viride des arbres, qui parait plus sombre encore dans la nuit noire. Puis je tombe, exsangue, sans force, dans les bras de Morphée. Et, dans cette nuit d’encre et de velours, je m’endors… Pour toujours ?

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