Les notes d’Alix Lerman Enriquez
Les proses poétiques de Gustave Roud, je ne les ai découvertes que très tardivement. Moi qui suis passionnée de poésie, comment ai-je pu passer si longtemps à côté de tant de beauté et de délicatesse ? C’est que l’homme n’a pas fait grand bruit comme le dit si justement Philippe Jaccottet, un autre grand poète vaudois2.
Gustave Roud est discret comme ses écrits, si démesurément discret par rapport au sublime de sa poésie qu’il nous offre tout simplement, comme si de rien n’était, comme un don du ciel, qui lui aurait été donné et que, généreusement, il transmettrait au lecteur pour nous faire comprendre combien ses paysages de la suisse romande, ses paysages à lui, sont beaux à qui sait bien les regarder. On se laisse transporter par tant de simplicité et de beauté. Je ferme les yeux et je médite ce que doucement, je viens de lire.
Dés le début de ma lecture, je suis conquise par sa voix poétique singulière, frêle, toute en délicatesse, en sourdine presque, mais si juste et si posée. Couleurs à peine ébauchées qui couvrent d’une délicieuse couche de brume rose et de nuée de nacre les paysages qui s’y prêtent.
Pas de violence, juste un silence et des tons diaphanes mais lumineux qui figent la nature dans une immobilité presque éternelle, peinture qui accroche le regard. Les travaux des champs, le labeur des bûcherons où l’on croit sentir la sciure du bois qui parfume la forêt entière, qui s’exhale jusqu’au petit bois à l’orée des prés. Toutes ces scènes bucoliques nous ramènent invariablement à l’amour de la terre et de ses montagnes emprises d’une lumière particulière, belle parce que paradoxalement immuable et changeante en même temps, jamais pareille, toujours unique et ineffable.
L’aube, l’aurore, le crépuscule, la ronde des saisons scandent les travaux des champs, les semailles, les récoltes qui, nimbés d’une lumière rosée, irradient les vallons escarpés du canton du Vaud. Cette nature mouvante éclaire l’intérieur de l’âme humaine et de celle du poète.
La solitude, aussi, celle qui donne son titre à un poème en particulier et à l’ensemble du recueil, est omniprésente. Tantôt, elle éloigne le poète de toute vie sociale humaine et le laisse éploré, tantôt elle le nourrit et lui permet d’écrire, d’éprouver ses sens, de ressentir plus profondément ce qui l’entoure. À l’égal d’un ermite, Gustave Roud traverse la vie comme il traverse les montagnes de son pays, en solitaire et en poète et il y laisse des morceaux de littérature d’une rare beauté comme cette phrase poignante :
Le silence des hommes et le silence des choses : la rivière s’est tue, le vent s’est tu. La pauvre anémone à mes pieds, le dernier être qui m’ait fait l’aumône d’un regard, s’est close elle aussi comme une étoile éteinte au seuil de l’ombre.
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Page mise à jour le 2 décembre 2023
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