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Alix Lerman Enriquez

Les notes d’Alix Lerman Enriquez

Alexandra Pizarnik

Je voudrais évoquer l’œuvre littéraire d’Alexandra Pizarnik dont le journal de sa vie aussi brève que fulgurante (1936-1972) m’a subjuguée par sa profondeur, son authenticité et le désarroi qui en émerge. Cette grande poétesse, considérée dans son pays comme « un astre dans le ciel argentin », a tristement mis fin à ses jours à l’âge de trente-six ans et ses confessions traduisent certes une désespérance et une souffrance hors du commun mais également la recherche effrénée d’une perfection artistique..

Son journal, qui rend compte des onze dernières années de sa vie de 1959 à 1972 expose sa difficulté à vouer sa vie à l’art et plus particulièrement à la création poétique. Tout comme Vincent Van Gogh dans sa correspondance à son frère Théo, Alexandra Pizarnik dit sa douleur d’exister en tant qu’artiste et de devoir se forger une identité propre dans les méandres d’une société qu’elle sent hostile à son égard.

L’analyse de ses nombreuses lectures est le terreau de sa création littéraire. Ses lectures diverses et variées celles d’Octavio Paz, de Julio Cortazar, de Franz Kafka, de Henri Michaux, d’Arthur Rimbaud pour n’en citer que quelques unes, la font côtoyer les écrits des plus grands et lui donnent la sensation de devoir les égaler ou du moins de placer très haut son ambition poétique. Cette angoisse de ne pas parvenir à réaliser son œuvre la plonge dans un état d’insatisfaction éternelle, tout en la laissant consciente et parfaitement lucide sur son immense talent.

C’est en transe et habitée par son souci de toujours parfaire son œuvre qu’elle crée et qu’elle refaçonne ses écrits poétiques, comme un sculpteur ses bronzes ou ses plâtres. L’ambition d’écrire de la prose la paralyse et finalement c’est surtout en tant que poète, qu’elle se fait connaître. C’est dans ce domaine, en effet qu’éclate avec magnificence toute la profondeur et l’esthétique de son art. Dans ce cadre elle offre au lecteur une poésie très épurée presque adamantine qui illustre avec gravité sa sensibilité exacerbée et la cruauté d’un monde dont elle cherche à faire découvrir la beauté et les trésors poétiques en même temps que l’indicible souffrance dont ce monde est porteur.

Elle dévoile son intimité psychologique, peignant toujours plus intensément son mal-être ou parfois, plus rarement, son euphorie soudaine : étincelle de bonheur fugace dans la longue nuit de sa mélancolie perpétuelle. Alexandra Pizarnik est un être profondément exalté. Dans ses poèmes, d’ailleurs, elle use de la description sublime de paysages pour évoquer la tristesse et la mort qui rôdent autour d’elle. Avec une acuité particulière pour éprouver les vicissitudes du temps qui passe, elle décrit avec une rare prémonition le sombre avenir qui l’engloutira quelques années plus tard. La mort est une tentation sans cesse repoussée mais omniprésente dans son esprit. L’artiste, trop sensible et décalée dans un univers policé qui ne tolère que le discours bien-pensant et le langage conventionnel, n’est pas faite pour ce monde-là. Lasse, terriblement seule et amère, elle ne conçoit son avenir que dans sa propre disparition, censée lui apporter la fin même de ses tourments.

Que de talents engloutis par son dernier geste, que de créativité en puissance qui s’écroule sans qu’on ait pu sauver ce monument de littérature ! Restent heureusement les vestiges poétiques de sa brève existence qui nous rappellent ô combien étaient beaux et fulgurants ses poèmes !

Pour conclure, laissons nous bercer par le poème Silences tiré de son recueil Les travaux et les nuits. Ces vers pourraient illustrer à merveille le paradoxe et la tristesse de ce destin exceptionnel :

Silences

La mort toujours proche

J’écoute son dire

Je n’entends que moi.

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