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Alix Lerman Enriquez

Les notes d’Alix Lerman Enriquez

Ostinato

Ostinato de Louis René Des Forêts a déjà été abondamment encensé par la critique mais, malgré tout, je voudrais modestement apporter ma pierre à l’édifice et dire combien ce récit reste, un an après sa découverte et sa lecture, profondément gravé dans mes souvenirs et source de grandes émotions artistiques.

Ostinato qui, comme ce nom le suggère, est un mélopée littéraire incessamment répétée, illustre le mouvement rythmique d’une vie, celle du narrateur, qui éclot à la naissance, balbutie à l’adolescence, oscille entre joie et désespoir à l’âge adulte, enfin ratiocine à la maturité et à la grande vieillesse pour s’échouer aux limites de la mort et de l’incommunicable.

Cette existence dont les faits sont à peine dévoilés mais plutôt suggérés, esquissés comme au fusain, laisse au lecteur le soin de découvrir les divers événements qui la ponctuent. Ainsi, on devine que le narrateur, qui a bien voulu nous ouvrir les portes de son intimité psychologique, a subi plusieurs expériences traumatisantes comme la guerre, la perte d’un enfant, la misère sociale, la maladie et la faiblesse dues au grand âge. Et encore au crépuscule de la vie, le narrateur exprime des sentiments de nostalgie où les joies de l’enfance apparaissent lointaines, nimbées de soleil, de l’innocence et des joies candides. Joie et douleur sont donc tout au long de l’existence, profondément imbriquées.

Si les événements objectifs ne font pas l’objet en eux-mêmes d’une description affirmative et tranchée, c’est que Louis René Des Forêts entend mettre l’accent, non sur les faits abrupts, mais sur l’aspect subjectif des aléas et des vicissitudes de l’existence en allant puiser au plus profond de son ressenti. Portant en germe une émotion artistique à peine contenue, la joie et parfois le regret éclosent à chaque page, à l’image de fleurs poétiques frêles et précieuses. Et c’est de cette émotion-là que Louis René des Forêts souhaite avant tout nous parler, avec pudeur et délicatesse comme toujours.

Ostinato n’est pas le récit d’une seule vie mais pourrait être l’expression générique de toutes les vies, faites de joies, de bonheur et de déceptions. C’est la trace du sillon que chaque être pourrait esquisser sur le sable mouvant de l’incertitude.

Ostinato s’apparente à ce bégaiement sublime du langage, mû par un mouvement circulaire toujours recommencé. Mais si l’existence est marquée par des mouvements oscillatoires rendus manifestes par le rythme cadencé du récit, la vie est en même temps ce long cheminement tout tendu vers le but inexorable de la mort : cette grande inconnue.

C’est un peu comme si le mouvement de la vie était à l’image de la rotation de la terre sur elle-même toute tendue en même temps, vers l’accomplissement de son périple annuel autour du soleil. Entre circularité et continuité, voilà comment pourrait être caractérisée la vie « humaine, trop humaine » que nous décrit Louis René Des Forêts.

Pour conclure, que dire, si ce n’est qu’Ostinato, cette longue et belle incantation, est une œuvre inclassable et magnifique.

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